Gestion et traitement de l’anthracnose sur le gazon basée sur la recherche
Une approche fondée sur la recherche pour lutter contre l’anthracnose sur les pelouses et gazons fins, appuyée par des preuves scientifiques et l’expérience de terrain. Objectif : prévention, résilience et décisions plus intelligentes.
Sur cette page :
Qu’est ce que l’anthracnose du gazon ?
L’anthracnose (Colletotrichum cereale) reste un défi majeur sur les gazons, notamment sur les greens dominés par le Poa annua soumis au stress estival.
La maladie, souvent observée sous forme d’anthracnose basale dans ces régions, profite des périodes de faible vigueur du gazon et de stress environnemental, compromettant la qualité du tapis de jeu et la résilience du gazon.
Cet article propose une stratégie robuste, validée par la recherche, pour la gestion de l’anthracnose, combinant littérature scientifique et retours pratiques. L’objectif : fournir aux gestionnaires de gazon une méthode fiable, intégrée, de prévention et de suppression.
Anthracnose (Colletotrichum cereale)
Comprendre les facteurs de développement
L’anthracnose basale se développe principalement en présence de :
- Faible fertilisation azotée
- Compaction du sol et accumulation de feutre
- Températures élevées et stress hydrique
- Tontes très rases
- Humidité prolongée du feuillage
Bon à savoir : de nombreuses conditions favorisant l’anthracnose sont soit inévitables, soit volontairement induites dans les pratiques d’entretien de gazons de haute performance. Il est donc essentiel de trouver un équilibre entre performance agronomique et pression de la maladie.
Gestion de l’azote : constance et forme
Plusieurs études, dont celles d’Hempfling et al. (2017) , démontrent qu’un apport d’engrais modéré et régulier en azote est crucial pour limiter l’anthracnose. Un déficit azoté affaiblit le gazon et le rend vulnérable.
La forme de l’azote joue aussi un rôle :
- L’azote nitrique favorise l’absorption équilibrée des cations comme le potassium et le calcium.
- L’azote ammoniacal peut gêner cette absorption, aggravant les carences lors des périodes de stress.
Recommandations pour les engrais :
- Apporter 2 à 3 kg N/ha/semaine de fin juin à début septembre
- Privilégier des fertilisants à base de nitrate en été (ex : Sportsmaster WSF High N 35-0-14, ou Greenmaster Liquid Cal-Mag)
- Éviter le sulfate d’ammonium en période de chaleur, sauf en cas de correction ciblée du pH
Engrais à base de potassium et calcium : renforcer les défenses structurelles
Ces éléments ne guérissent pas la maladie, mais renforcent la paroi cellulaire et l’équilibre osmotique. En cas de carence, la vulnérabilité du gazon augmente, surtout sous stress thermique ou hydrique.
Un programme nutritionnel équilibré, guidé par des analyses foliaires régulières, garantit un apport suffisant sans excès. Le but n’est pas de « surdoser », mais de soutenir globalement la santé de la plante.
Entretien de surface : regarnissage, sablage, pratiques culturales
Beaucoup redoutent que les opérations mécaniques aggravent l’anthracnose. Pourtant, études et terrain montrent qu’une perturbation modérée reste acceptable si le gazon n’est pas déjà très affaibli.
Conseils pratiques :
- Regarnir dès les premiers signes de déclin pour améliorer la composition végétale
- Utiliser un sablage léger pour limiter l’humidité de surface et améliorer la jouabilité
- Éviter le verticutting agressif lors des pics de maladie
Gestion du pH et transition d’espèces
Un pH acide est parfois recherché pour favoriser l’Agrostis au détriment du Poa annua. Mais un pH trop bas (<5,5) peut aussi accroître le risque d’anthracnose.
Astuce de gestion :
- Surveiller le risque fongique en dessous de pH 5,5
- Prendre en compte l’effet neutralisant des sablages printaniers (pH souvent >7)
- Communiquer clairement votre stratégie de pH aux clients ou comités pour aligner attentes et objectifs
Stratégie fongicide : ciblée, préventive et rotative
Les fongicides sont indispensables dans une approche intégrée, surtout en cas de stress estival combiné à des hauteurs de coupe basses. Dès que les conditions deviennent favorables à l’anthracnose, il est conseillé d’appliquer préventivement Ascernity ou Heritage.
Principes clés :
- Traiter préventivement avant les périodes à haut risque
- Alterner les familles FRAC (ex. : Groupe 11 QoI, Groupe 3 DMI) pour éviter les résistances
- Respecter les étiquettes et bonnes pratiques locales
Gestion intégrée : les 5 piliers
La lutte contre l’anthracnose repose sur une stratégie globale. Se fier à une seule méthode augmente les risques. Une approche efficace inclut :
- Apport régulier d’azote nitrique en période à risque
- Nutrition équilibrée en potassium et calcium, validée par analyses
- Réduction du stress de surface (tonte, irrigation, circulation)
- Planification stratégique du pH et des transitions d’espèces
- Utilisation préventive et alternée des fongicides selon les prévisions
Conclusion
L’anthracnose est une maladie opportuniste du stress. En visant une qualité de gazon irréprochable, on crée parfois sans le vouloir un environnement qui la favorise.
La clé réside dans une approche équilibrée, informée, qui soutient la plante, respecte la biologie de la maladie, et combine plusieurs leviers pour garantir une résilience durable.
Avec les bons outils – culturales, nutritionnels et chimiques – appliqués au bon moment, l’anthracnose peut être efficacement maîtrisée, assurant la qualité de jeu et la tranquillité d’esprit des professionnels, même en plein été.